8 décembre 2007
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UN BEL ARTICLE CONCERNANT NOTRE AVENTURE GONCOURT SUR LE SITE
www.cityzenmag.com
Ecrit par Jean François MEEKEL
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Ecrit par Jean François MEEKEL
Journaliste
Le Goncourt des lycéens bordelais |
Superbe intelligence de ces jeunes gens d’une cinquantaine de classes disséminées dans toute la France, qui en toute indépendance ont élu un très grand roman quand le Goncourt des "grands" est passé totalement à côté. Ou comment prouver que la démocratisation, en l’occurrence celle de la culture, n’est pas que la tyrannie des imbéciles, comme le craignait Baudelaire.
"J’étais tellement pas là que la littérature, les livres, furent le moyen de briser la vitre entre le monde et moi, tout a semblé s’élargir et devenir présent, ça m’a permis d’accéder à moi-même, au monde et à me donner la parole." C’est en ces termes qu’Olivier Adam, auteur du roman "À l’abri de rien", que les élèves du lycée Les Chartrons ont rencontré à Toulouse, leur a décrit son entrée dans le monde des mots quand il avait à peu prés leur âge. Une définition vivante du rôle que peuvent jouer les livres dans la vie des ados quand la rencontre se fait, fortuitement ou que de bonnes fées s’en donnent le mal ou plutôt le bien.
À l’unanimité, la décision avait été prise l’année dernière avant les grandes vacances. Un vrai pari ! Pour la plupart, ces élèves en terminale de BEP Métiers du secrétariat ne sont pas de grands lecteurs, certaines, sur la trentaine d’élèves un seul garçon, ne lisent même pas du tout. Pourtant, ils se sont tous engagés sur ce pari du Goncourt des lycéens. Quelques adultes, enseignants, documentaliste, ont eu cette ambition pour eux, ils ont su y répondre. Et le cru 2007 leur a réservé la surprise de sélectionner pour les lycéens la liste identique à celle du Goncourt des éditeurs, pas moins de quinze livres, contre dix en année courante, quelque chose comme 4200 pages. Un sacré défi mais des propositions de qualité, rien à jeter ou presque, on y trouve la production annuelle de quelques fonctionnaires de l’écriture, quelques beaux romans mais sans doute seulement deux œuvres qui resteront dans l’histoire de la littérature.
Quinze livres donc que l’ensemble classe doit lire entre le 13 septembre et le 9 novembre, seul l’élève qui ira défendre leur choix devra avoir lu l’intégralité des œuvres, les autres liront selon leur capacité, leur désir, un seul livre pour l’une, sept, huit, jusqu’à onze et douze livres pour d’autres. Comment élaborer une approche critique de chaque livre puis ensuite organiser une hiérarchie entre eux ? Sur quels critères ? Aller au delà du ressenti, de l’émotion. S’intéresser au style, s’informer de la biographie des auteurs, de leurs bibliographies, des conditions pratiques de l’écriture, de l’inspiration. Au fil des semaines et des rencontres, la parole s’est libérée, la hiérarchie a évolué, des livres trop ardus sont tombés des mains, d’autres tout aussi difficile ont passé le cap. Une communauté d’intelligence élémentaire a pris corps.
La classe s’est déplacée à Toulouse où elle a pu rencontrer cinq des auteurs de la sélection, découvrant que les écrivain(e)s étaient des hommes et des femmes de chair et d’os, de vanité aussi. Quand il a fallu désigner celui ou celle qui irait défendre leur choix, l’enthousiasme et la motivation furent tels qu’une demi-douzaine d’entre eux se sont portés candidats. C’est la benjamine de la classe, la discrète Audrey qui a été choisie. Et peu importe que le vainqueur, Philippe Claudel, ne fut pas dans leur tiercé, les graines semées pendant ces semaines de lectures et de débats germeront. Pour beaucoup un cap a été franchi, fait d’un nouvel appétit pour ces innombrables possibles contenus dans les livres.
Et bien sûr que cela aide à vivre, mieux, plus fort ! Bien sûr que la littérature fournit aussi des armes pour mieux comprendre le monde ! Et quel que soit l’emploi que le BEP des métiers du secrétariat leur ouvre, pour Paulette, les deux Aminata, Jessie, Massiata, Emeline, Naomi, les deux Sarah, Coraline, Simon et les autres, portant sur leur peau toutes les nuances du noir au blanc, ce défi du Goncourt restera un événement dans leur histoire, une lumière qui éclairera sans doute leur destin.
Jean-François Meekel
À consulter : le blog du lycée http://chartrons.over-blog.com créé pour la circonstance.
L’auteur de ce papier a été le parrain de la classe. Les rencontres vont se poursuivre et pour pérenniser ce dialogue entre les livres et les lycéens, un projet de prix plus régional est en gestation (par définition, la participation au Goncourt des lycéens ne peut se renouveler).